Les lectures entrelacées de Cathy et Pascal
Le projet des lectures entrelacées est né du désir de deux auteurs interpètes (Pascal Laurent et Cathy Trinta – Voir biographie plus bas) de partager des textes littéraires, classiques et contemporrains, mais aussi des textes originaux et inédits à travers une lecture théâtralisée sur des thématiques aussi variées qu’enrichissantes.
- Le thème peut être inspiré d’un auteur – Shakespeare, Molière, Victor Hugo, Michel Houellbeck, Michel Tremblay…
- Un sujet – la bière, le vin, le café, l’amour, la bande dessinée, le cirque, l’intelligence artificielle…
- Un genre ou un style – la science fiction, horreur et grand frisson, policier, fantastique, historique, humoristique, poétique…
- Ou encore un sujet imposé (comme pour notre lecture sur l’univers de Quino et Mafalda)
La seule limite est notre imagination.
Cathy et Pascal sont deux professionnels de l’interprétation et de l’oralité. Avec un soin méticuleux, ils tricotent, assemblent et entrelacent – comme le ferait une araignée tissant sa toile – des textes, issues de la littérature, de la poésie, du conte, de la chanson ainsi que leurs propres textes qui, en quelques sorte créent le lien entre tous les autres. Ils explorent ainsi chaque facette du sujet pour en soutirer le meilleur.
Ce mélange des genres, ces montages originaux, aboutissent à un récit vivant, coloré et inédit.
4 lectures disponibles pour le moment
Autour de Mafalda - le 29 mai 2025 - Espace Amalgame
Les diablogues de Roland Dubillard - 20 juin 2025 - Espace Amalgame
Boire et déboires autour de la Bière - A venir (Espace Amalgame)
Spéciale Saint Valentin - Ébats et débats autour du couple


Référence : Albums Mafalda de Quino
Textes de liaisons : Pascal Laurent
DEUX (un homme) rejoint à sa table, UN (une femme) . Ils viennent assister à une soirée autour de Mafalda et l’univers de Quino.
UN : (Surprise de voir DEUX) Tiens qu’est-ce que tu fais là ?
DEUX : Comment ça ce que je fais là ? Ben, comme toi, je suis venu pour la soirée autour de Mafalda.
UN : Je ne savais pas que tu connaissais Mafalda.
DEUX : Pas personnellement, non. Mais…
UN : Je veux dire je ne savais pas que tu connaissais l’univers de Quino.
DEUX : Bien sûr que si.
UN : Moi, je suis une vraie fan.
DEUX : Oui, toi je sais. D’ailleurs tu lui ressemble un peu.
UN : A Quino ?
DEUX : A Mafalda. Tu es engagé politiquement, tu t’intéresse au sort de la planète, tu as gardé ton âme d’enfant, tu aimes les Beatles et tu déteste la soupe. Tu pourrais être Mafalda. En plus vieille bien sûr.
UN : Je ne sais pas si je dois prendre ça comme un compliment ?
DEUX : Non, je veux dire, une Mafalda qui aurait grandi, qui aurait mûrie… tu vois. Une Mafalda adulte.
UN : Oui, c’est ça ! Essaye de te rattraper. Toi aussi tu pourrais être un personnage de Quino.
DEUX : Ah oui, lequel ?
UN : Felipe par exemple.
DEUX : C’est à cause de mes dents ?
UN : Parce que tu n’aimes pas te lever tôt. Tu n’aimes pas qu’on te donne des ordres. Tu es un genre de chevalier célibataire.
DEUX : Solitaire ! Un chevalier solitaire !
UN : C’est la même chose tout célibataire est un solitaire.
DEUX : Oui, si on veut. Et, comme Felipe, J’ai toujours détesté l’école.
UN : Tu pourrais être Manolito, aussi.
DEUX : Tu dis ça parce que je suis radin ?
UN : Non, tu es économe. Avoue que tu aimes bien l’argent. Parfois j’ai l’impression que tu me parle comme si j’étais un client. Mais tu pourrais être Miguelito également. Tu aimes le jazz et tu es autocentré. Tu pourrais aussi être le père de Mafalda. En plus vieux, bien sûr. Je veux dire en plus mûr.
DEUX : Oui, j’aime les plantes et lire le journal, mais je ne vois pas le rapport.
UN : Moi, j’en vois un et tous ceux qui connaissent Mafalda en verrons un aussi. En fait, tu pourrais être tous les autres personnages.
DEUX : Ah oui ? Libertad et Susanita aussi ? Pourquoi pas sa mère pendant qu’on y est ?
UN : Oui, pourquoi pas, ? Si tu y mets du tien.
DEUX : Et si on jouait à Mafalda ? Juste comme ça, pour tester nos connaissances.
UN : Si tu veux. Allons-y
Un : Tu t’es déjà demandé ce qu’on faisait sur terre Felipe ?
Deux : Non, jamais. Mais je me le demande tout de suite : « que-faisons nous sur terre ? » Et je réponds aussitôt : « Est-ce que je sais pourquoi diable on est sur terre ? » Ce genre de problèmes, il faut s’en débarrasser au plus vite !
Un: Nous sommes des millions à vivre sur terre et en fin de compte, pourquoi? Pourquoi, Manolito ? POURQUOI SOMMES NOUS SUR TERRE ?
Deux : Je suis un peu occupé, mais si tu veux je peux trouver ça pour demain.
Un : Je vais demander à maman. Maman, pourquoi sommes-nous sur cette terre ?
Deux : Maman ?
Un : Oui… maman. Je disais donc. Maman, pourquoi sommes-nous sur cette terre ?
Deux : (jouant le jeu un peu malgré lui) Pour travailler, nous aimer, et faire en sorte que le monde soit meilleur.
Un : Cachottière. Tu ne m’avais pas dit que tu avais le sens de l’humour.
(Montrant une mappemonde) Tu vois, ça c’est le monde. Tu sais pourquoi il est joli ce monde ?
Deux : Non.
Un : Parce que c’est une maquette… l’original est un désastre !
Deux : (Papa lit le journal) A envoyé un violent coup de poing au gardien de but devant l’indifférence de l’arbitre qui n’a pas sifflé le coup franc. (Il jette le journal replié sur la table, dégoutté) Comment peut-on laisser passer des trucs comme ça ! C’est révoltant !
Un : (Elle prend le journal et lit un autre article, pensant que c’est le même) Le nombre d’enfants abandonnés et mal nourris ne cesse d’augmenter. (A papa) Je suis d’accord avec toi, papa, c’est révoltant ! Ah, si tout le monde pouvait réagir comme toi !
UN : Tu es un bon papa ?
DEUX : Je crois que oui !
UN : Mais tu es le plus bon de tous, tous, tous les papas du monde ?
DEUX : Eh bien ! je ne sais pas… peut-être qu’il existe un papa meilleur que moi !
UN : (Déçue) Je savais bien…
Lecture le 20 juin 2025 – Espace Amalgame

Référence : Les Diablogues de Roland Dubillard
PASCAL et CATHY sont en maillot de bain. Ils s’apprêtent à plonger dans une rivière qu’on ne voit pas.
PASCAL : Un, deux, trois, hop !
CATHY : Voilà, ça, c’est bien vous ! vous dites hop ! et puis vous ne sautez pas.
PASCAL : Mais comment donc ! Je n’ai pas sauté, parce que vous ! vous n’avez pas sauté !
CATHY : Comment je n’ai pas sauté ! Bien entendu, que je n’ai pas sauté ! Je n’allais pas sauter tout seul !
PASCAL : Comment, tout seul ! Nous avons dit qu’à : hop, nous plongerions tous les deux ensembles. Si vous ne plongez pas, moi, je ne plonge pas non plus, voilà tout.
CATHY : Alors, si vous ne plongez pas, ne dites pas » Hop ! « . Parce que quand vous avez dit » Hop ! » moi, pour un peu, je plongeais. Il s’en est fallu d’un rien. Heureusement que je vous ai regardé.
PASCAL : Mais moi aussi, je vous ai regardé ! Et c’est même pour ça que je me suis retenu. J’ai même failli perdre l’équilibre. Si je ne m’étais pas retenu juste à temps, moi je serais dans l’eau en train de patauger, et vous, vous seriez toujours là en train de faire des mouvements pour vous réchauffer.
CATHY : Quel menteur vous faites ! Vous avez dit » Hop ! » pour que je plonge, mais vous, vous n’aviez pas du tout l’intention de plonger. Ça se voyait bien, que vous n’étiez pas décidé.
PASCAL : J’étais pas décidé parce que je ne veux pas plonger tout seul et que je n’ai pas confiance en vous. Et j’ai eu raison de me méfier, parce qu’enfin quoi ! Avez-vous plongé oui ou non ?
CATHY : Non, j’ai pas plongé, parce que j’étais sûr que vous ne plongeriez pas.
PASCAL : Mais qu’est-ce que vous en saviez que je ne plongerai pas ? Il fallait plonger quand j’ai dit » Hop ! « . À ce moment-là, moi aussi j’aurais plongé.
CATHY : Si vous attendez que je plonge pour plonger, moi je n’appelle pas ça plonger ensemble.
PASCAL : Si vous cherchez la petite bête, bien sûr qu’au millième de seconde, il y en aura toujours un qui plongera avant l’autre. D’après vous, faudrait peut-être aussi décider à quelle lettre du mot » Hop ! » il faut qu’on plonge. Parce que si vous plongez sur le H et que moi je plonge sur le P, moi je serai en retard.
CATHY : Y a qu’à plonger sur le O, voilà tout.
PASCAL : Vous feriez mieux de plonger dedans.
CATHY : Quoi, dedans !
PASCAL : Dans l’eau.
PASCAL : Je ne la supporte pas.
CATHY : Pourquoi ?
PASCAL : Je ne sais pas.
CATHY : Vous avez toujours été comme ça ?
PASCAL : Depuis tout petit.
CATHY : Et vous n’avez jamais essayé ?
PASCAL : De sortir sous la pluie ? Si, plusieurs fois. Mais je ne supporte pas.
CATHY : Question d’éducation. Vos parents auraient dû vous forcer.
PASCAL : Non. C’est plutôt une question de tempérament. Vous-mêmes, il y a sûrement des choses que vous ne supportez pas.
CATHY : Bien sûr. Le feu, par exemple. A aucun prix je ne me promènerais dans une forêt qui flambe. Mais moi, je sais pourquoi.
PASCAL : Ce n’est pas du tout comparable.
CATHY : Non, parce que le feu, même si on m’y forçait… Tandis que vous, la pluie, si vous le vouliez vraiment… je suis sûr que vous supporteriez très bien de vous promener dessous.
PASCAL : Oui, bien sûr, comme tout le monde. Simplement je préfère attendre qu’il fasse beau.
CATHY : Moi aussi, je préfère attendre qu’il fasse beau !
PASCAL : Mettons que j’ai une préférence exagérée pour attendre qu’il fasse beau.
CATHY : Mais enfin, la pluie, vous avez quelque chose de spécial à lui reprocher, à la pluie ?
PASCAL : Moi, non. Je l’aime bien, la pluie. C’est joli. Ça fait un bruit que j’aime bien. Ça fait du bien aux fleurs. Ce que je n’aime pas, c’est me promener dessous.
CATHY : Mais moi non plus je n’aime pas me promener sous la pluie. Faut toujours que vous vous preniez pour quelqu’un d’exceptionnel ! Personne n’aime ça ! Mais tout le monde supporte.
PASCAL : Eh bien moi, j’ai une façon particulière de ne pas aimer ça : je ne supporte pas.
CATHY : Tout ça n’est pas très clair. Voyons. Voulez‑ vous que nous fassions une petite expérience. Vous êtes dans la campagne. Vous êtes cerné. Vous avez à droite une forêt qui flambe, et à gauche, il commence à pleuvoir. Qu’est-ce que vous faites ?
PASCAL : J’attends que ça s’arrête.
CATHY : Ça ne s’arrête pas. Il faut choisir. Qu’est-ce que vous choisissez ?
PASCAL : Je choisis la pluie. Bien sûr. Mais sans joie
CATHY : Pourtant, vous m’avez dit que vous l’aimiez bien, la pluie.
PASCAL : Je l’aime bien, oui. Mais de loin.
CATHY : Vous êtes un drôle de type.

Textes auteurs divers : Beaudelaire, Bernard Dimey, Bob Bissonette, Emile Bilodeau, Philippe Delerm.
Références : L’incroyable histoire de la bière par Benoist Simmat et Lucas Landais
Une histoire de la bière : Jonathan Hennessey and Mike Smith
Textes de liaisons : Pascal Laurent
UN : La philosophie et la bière c’est la même chose, consommées, elles modifient toutes les perceptions que nous avons du monde.
DEUX : La poésie aussi, c’est bien.
UN : Ça dépend qui écrit. Parce que aucun poème écrit par un buveur d’eau ne peut connaître un succès durable. Alors que quand c’est écrit par quelqu’un qui picole…
DEUX : Tu connais Baudelaire ?
UN : De réputation.
DEUX : Ecoute ça.
Il faut être toujours ivre, tout est là ; c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de bière, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous !
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge ; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront, il est l’heure de s’enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.
UN : A ta santé. (Ils trinquent) C’est vrai que c’est beau.
DEUX : C’est plus que beau, c’est Baudelaire.
UN : Il y a une dimension spirituelle. Et d’ailleurs, spiritueux, spirituelle. C’est la même racine. Alors j’ose le dire, la bière, c’est peut-être la plus grande invention de l’histoire de l’humanité. Oh, je t’accorde que la roue est elle aussi une belle invention, mais elle n’accompagne pas aussi bien une pizza.
DEUX : C’est profond ce que tu dis. En parlant d’invention. La fermentation a peut-être été une plus grande découverte que le feu. Tu sais comment est née la bière ?
UN : Je sais que ça remonte à avant JC.
DEUX : Oh ben oui, Jean-Claude il a quoi ? 45 ans. Ça remonte à plus loin.
UN : Non, je parle de Jésus Christ.
DEUX : Mais bien avant lui. A la Mésopotamie. Il y a 6000 ans. Et encore, il y en a qui disent que ça remontrait au paléolithique. Au bas mot 15 000 ans. Que des fruits auraient fermentés par erreur et qu’homo sapiens aurait commencer à connaitre l’ivresse au fond des cavernes.
UN : Tu vois un peu l’héritage qu’on nous a laissé.
DEUX : C’est pour ça qu’il faut arrêter de culpabiliser. On ne peut pas lutter contre l’histoire. Et puis, il y a eu les sumériens. A l`époque, le pain était tellement dur qu’ils devaient le faire tremper dans l’eau. Et un jour, où il pleuvait y a un imbécile qui a oublié de rentrer la miche et elle a fermentée. C’est comme ça qu’est née la bière. Un coup de chance.
UN : Ce n’était pas un imbécile alors, c’était un génie.
DEUX : Oui, mais on l’a su après.
UN : Tu n’as jamais pensé à boire de la bière sans alcool de temps en temps ?
DEUX : Jamais ! La bière sans alcool a été créée pour accompagner les galettes au soja, le quinoa et la vie de merde. Non, non. Un vrai buveur de bière, c’est forcément alcoolisé. En parlant de vrai buveur. Tu te souviens de Bob ?
UN : Bob Bissonette ?
DEUX : Oui. Lui, c`était un numéro.
UN : Tu penses, Je le revois encore le grand bob, debout sur la table, il beuglait :
À soir on s’gâte, on boit comme des cochons
En bouteilles, en canettes ou dans un grand verre
On vide tous les frigidaires de bière. Et puis il enchainait presque en chantant : Si tu veux me plaire, donne-moi de la bière, j’en veux à soir, j’veux de l’ostie de bière
DEUX : Un jour je l’aide à tondre sa pelouse et il me dit :
Après avoir tondu la pelouse,
Quoi de mieux qu’une bonne caisse de 12
Alors moi je lui dis : Rajoute donc un autre 6-pack
Ah pis enwoueye donc une 24 tabarnak
Et puis il y tenait à sa bière. C’était ça et rien d’autre.
Payez moi pas d’shooter de Jack qui disait
Alors moi pour le taquiner je lui disais : Un petit cognac, Bob ?
Il se mettait dans une colère. Non ! qui criait. j’n’en veux pas d’verre de cognac !
Il me semble que j’ai été clair
Tout ce que j’veux boire c’est de la bière !
Il était possédé.
UN : Il aurait pu en faire une toune s’il avait voulu.

Auteurs divers : Edmond Rostand, Coline Serreau, Ionesco, Sacha Guitry, Michel Audiard
Textes de liaisons : Pascal Laurent
Deux conférenciers.
DEUX : Nous sommes ici ce soir pour célébrer l’amour et un de ses plus éminents représentant le célèbre Saint Valentin.
UN : Mais qui était-il vraiment ?
DEUX : Les origines les plus anciennes remonteraient à une célébration annuelle et païenne connue sous le nom de Lupercalia, ou les Lupercales.
UN : Cette fête, qui se tenait le 15 février, visait durant la Rome antique à célébrer la fertilité. Les hommes se dévêtaient, sacrifiaient un mouton ou un chien, et se couvraient de la peau de l’animal sacrifié dans le but d’accroître, pensaient-ils, leur fertilité.
DEUX : Comme on peut le constater l’origine de cette coutume est assez trivial et l’on parle plus de sexe et du fait de faire l’amour plutôt que le sentiment en lui-même. Au 5e siècle le pape Gélase Ier va mettre fin aux fameuses Lupercales et peu après, l’Église catholique va faire du 14 février un jour de fête, destiné à rendre hommage au martyr Saint Valentin et rendre ainsi à l’acte d’amour toute sa chasteté.
UN : Mais, c’est sans doute le poète Geoffrey Chaucer qui fut la première personne à associer la Saint-Valentin au romantisme dans son poème : (Le parlement des oiseaux) Il serait à l’origine de l’association faite de nos jours entre la Saint-Valentin et l’amour, la Saint-Valentin correspondant au début de la saison des amours des oiseaux en Europe.
DEUX : Maintenant que ce point d’histoire est rétabli, penchons-nous, mais pas trop fort car on pourrait tomber, sur l’amour. Qu’est-ce que l’amour ? De nombreux poètes et philosophes se sont penchés eux aussi, sur la question, mais les réponses qu’ils ont pu trouver sont si nombreuses et variées qu’il serait vain de chercher une formule qui les englobent toutes.
UN : Le verbe aimer n’est-il pas d’ailleurs le plus compliqué de la langue. Son passé n’est jamais Simple, son présent n’est qu’imparfait et son futur est toujours conditionnel.
DEUX : L’amour on le sait prend bien des formes, et ce sont ces quelques une – pas toutes car le temps nous est compté – de ces différentes formes que nous allons examiner d’un peu plus près. Et surtout ne nous laissons pas prendre par des formules toutes faites et à l’emporte-pièce comme : « l’amour se trouve à chaque coin de rue »
UN : Surtout si on habite sur un rond-point.
DEUX : Mais l’amour peut être parfois compliqué aussi et un peu vache. Comme dans la crise de Coline Serreau
ISABELLE – Qu’est-ce que tu fais là ?
DIDIER – J’ai amené toutes mes affaires ! J’en ai marre de pas dormir avec toi tous les jours alors je m’installe !
ISABELLE – Tu t’installes où ?
DIDIER – Chez toi !
ISABELLE – Mais enfin Didier il est trois heures du matin.
DIDIER – Mais c’est pas grave ça, va vite te recoucher, moi je rentre tout ça, et je te rejoins, je déballerai demain
ISABELLE – Mais qu’est-ce qu’il te prend ?
DIDIER – J’étais égoïste, j’aimais trop ma liberté et j’t’ai jamais proposé le mariage ni de vivre avec toi, mais ce soir j’ai réfléchi et je me suis rendu compte que je t’aime vraiment et je peux pas me passer de toi, je fais le grand saut !!
ISABELLE – Comment ça le grand saut ? Quel grand saut ? Mais ça va pas la tête ?
DIDIER – Quoi ça va pas la tête ?
ISABELLE – Mais j’ai pas du tout envie que tu viennes habiter chez moi, moi.
DIDIER – Comment ça t’as pas envie ?
ISABELLE – Bah non j’ai pas envie… j’ai, j’ai pas tellement la place, d’abord.
DIDIER – Tu m’aimes plus ?
ISABELLE – Bien sûr que je t’aime, je t’aime énormément même, mais enfin c’est pas pour ça.
DIDIER – Tu veux qu’on se marie ?
ISABELLE – Mais non je ne veux pas qu’on se marie. J’ai pas du tout envie, tu comprends, pas du tout…
DIDIER – De quoi t’as pas envie ?
ISABELLE – Mais… de tout, de rien, je sais pas moi… t’as toujours faim quand je fais un régime, tu te rases pendant des heures et tu ne nettoies jamais le lavabo, j’ai pas la place pour une grosse machine à laver, ton copain Stéphane, je le trouve lourd lourd, je veux pas qu’il vienne chez moi regarder les matchs de foot en bouffant toutes mes cacahuètes, je sais pas moi, plein de trucs…
DIDIER – T’aime pas mes amis ?
ISABELLE – Ah bah Stéphane, j’l’aime pas, non.
DIDIER – Mais si tu m’aimais, tu aimerais aussi mes amis !
ISABELLE – Et ben tu vois je t’aime, mais Stéphane, il me reste en travers du gosier, voilà, je viens juste de me faire construire une nouvelle bibliothèque, j’ai enfin réussi à caser toutes mes affaires, alors si en plus il faut encore caser….
DIDIER – Mais qu’est-ce que tu peux être égoïste !
ISABELLE – Mais dis donc tu te crois où là ?
DIDIER – Comment ça où je me crois ?
ISABELLE – Mais oui, tu viens m’emmerder chez moi à trois heures du matin.
DIDIER – Ah bon ? Je viens te demander en mariage et toi t’appelle ça venir t’emmerder ?
ROXANE
Eh bien ! si ce moment est venu pour nous deux, Quels mots me direz-vous ?
CYRANO
Tous ceux, tous ceux, tous ceux Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe, Sans les mettre en bouquet : je vous aime, j’étouffe, Je t’aime, je suis fou, je n’en peux plus, c’est trop ; Ton nom est dans mon cœur comme dans un grelot, Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne, Tout le temps, le grelot s’agite, et le nom sonne ! De toi, je me souviens de tout, j’ai tout aimé : Je sais que l’an dernier, un jour, le douze mai, Pour sortir le matin tu changeas de coiffure ! J’ai tellement pris pour clarté ta chevelure Que, comme lorsqu’on a trop fixé le soleil, On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil, Sur tout, quand j’ai quitté les feux dont tu m’inondes, Mon regard ébloui pose des taches blondes !
ROXANE
Oui, c’est bien de l’amour…
CYRANO
Certes, ce sentiment Qui m’envahit, terrible et jaloux, c’est vraiment De l’amour, il en a toute la fureur triste ! De l’amour, – et pourtant il n’est pas égoïste ! Ah ! que pour ton bonheur je donnerais le mien, Quand même tu devrais n’en savoir jamais rien, S’il se pouvait, parfois, que de loin, j’entendisse Rire un peu le bonheur né de mon sacrifice ! – Chaque regard de toi suscite une vertu Nouvelle, une vaillance en moi ! Commences-tu À comprendre, à présent ? voyons, te rends-tu compte ? Sens-tu mon âme, un peu, dans cette ombre qui monte ?… Oh ! mais vraiment, ce soir, c’est trop beau, c’est trop [doux ! Je vous dis tout cela, vous m’écoutez, moi, vous ! C’est trop ! Dans mon espoir même le moins modeste, Je n’ai jamais espéré tant ! Il ne me reste Qu’à mourir maintenant ! C’est à cause des mots Que je dis qu’elle tremble entre les bleus rameaux ! Car vous tremblez, comme une feuille entre les feuilles ! Car tu trembles ! car j’ai senti, que tu le veuilles Ou non, le tremblement adoré de ta main Descendre tout le long des branches du jasmin !
ROXANE
Oui, je tremble, et je pleure, et je t’aime, et suis tienne ! Et tu m’as enivrée !
CYRANO
Alors, que la mort vienne ! Cette ivresse, c’est moi, moi, qui l’ai su causer ! Je ne demande plus qu’une chose… Un baiser !
UN : Et si on faisait l’amour.
DEUX : On est quel jour ?
UN : Samedi, pourquoi ?
DEUX : Alors non. Il ne faut jamais faire l’amour le samedi soir, car s’il pleut le dimanche, on
ne saura plus quoi faire.
Des années plus tard
UN : Alors, pourquoi on est là ?
DEUX : Comment ça ? Ben on est le 14 février.
UN : Oui et alors ?
DEUX : On est le 14 février.
UN : Oui, je sais quel jour on est. Merci.
DEUX : Et donc ?
UN : Et bien on est vendredi. Demain on ne travaille pas.
DEUX : Oui, vendredi 14 février.
UN : On a de la chance, ça aurait pu être un vendredi 13. Non, mais je vois bien que tu essayes de me dire quelque chose. Mais heu… quoi, c’est un jour spécial ? Ce n’est pas ton anniversaire, tu es née en novembre alors je ne vois pas le rapport. (Un temps, il a un doute) oui, hein, c’est bien en novembre. Ce n’est pas ta fête ?
DEUX : Non. Ce n’est pas ma fête, mais c’est censé être un jour de fête.
UN : Alors là je ne vois pas. C’est pas notre anniversaire de mariage non plus. Enfin je crois. Hein ? Non, on ne s’est pas marié en février. Il n’y avait pas neige. Bon, allez ! Dis-moi.
DEUX : (Vexée) Si tu ne le sais pas, ne compte pas sur moi pour te le dire.
UN : C’est une surprise ?
DEUX : Ah, ça, Pour une surprise, c’est une surprise. En même temps je ne sais même pas pourquoi je suis surprise vu que tu ne penses jamais à ces trucs-là.
UN : (Il sort un cadeau de sa poche) Bonne St Valentin.
DEUX ET UN : (Au public) Bonne St Valentin !

Pascal LAURENT
Acteur, dramaturge et metteur en scène Français, membre UDA, formé au Théâtre École de
Montreuil, il suit également les ateliers de François Cervantes, de Jean Guérin et
s’initie au chant avec Anna Prucnal. A l’écran, il joue dans quelques séries télé, des
téléfilms et une dizaine de courts métrages. Mais son terrain de prédilection, c’est le
théâtre et plus particulièrement la comédie. Il joue plus d’une trentaine de spectacles
: des classiques comme Molière, Feydeau, Courteline, Labiche, Anouilh, Musset,
Goldoni, Beaumarchais, des auteurs contemporains et plusieurs comédies musicales.
Membre de la Ligue d’improvisation française depuis 1985, il a conçu et joué de
nombreux spectacles d’improvisation en France, Suisse, Belgique et au Québec.
Il est l’auteur de 16 pièces de théâtre.

Cathy TRINTA
Cathy Trinta est une comédienne passionnée qui a commencé son parcours au cours Simon. Elle intégre la compagnie ACTES où elle y officiera pendant 15 ans. Elle y a interprété des oeuvres de Molière, Grumberg, Stratiev, et d’autres, démontrant son talent pour incarner des personnages complexes. Après avoir affiné son art à l’école Florent, elle s’est également distinguée dans l’improvisation, avec un passage à la Ligue d’Improvisation Française (LIFI). Sa formation variée et son énergie sur scène font d’elle une artiste polyvalente et captivante.